jeudi 26 juillet 2007

Maroc: Ces cafés qui foisonnent

À la ville comme à la campagne, les cafés envahissent tous les espaces et constituent une pierre angulaire dans la culture marocaine. Ils sont même des lieux liminaires et primordiaux dans la littérature contemporaine, dans les romans de M.Choukri, A.El Aroui, M.Berrada et autres écrivains et artistes en général. Au Maroc, les cafés représentent un témoignage concret de l'évolution de la société. Ils ont marqué les moeurs et les coutumes de plusieurs générations.

Sous la forme moderne, les cafés ont existé au Maroc bien avant la colonisation. Depuis les années cinquante du 19ème siècle, la ville de Tanger, à l'instar d'autres villes marocaines, a connu la naissance et la prolifération de cette nouvelle activité d'origine occidentale. L'installation des Européens contribuait à l'apparition de cette culture qui existait déjà en Europe depuis des siècles sous différentes formes : salons littéraires, casinos, bistros, cabarets, cafés de musiciens, etc.


Aujourd'hui, les cafés sont partout dans nos villes. Et comme disent les Marocains : "Entre un café et un autre, il y a un café". Or, peut-on considérer ce foisonnement comme une perspective positive, ou s'agit-il d'un phénomène qui résulte d'une anomalie sociétale ?

Vous avez une somme d'argent qui dépasse les 500 mille dirhams et vous voulez investir dans une activité commerciale. Il est sûr et certain que vous n'allez pas trouver mieux que d'acheter ou vous faire construire un café. L'affaire est assurée et le bénéfice est quasi- garanti. Un café bien équipé, situé au centre-ville, peut dépasser les 1500 dh de profit net par jour. Cette activité économique crée des milliers d'emplois au Maroc. Les serveurs (garçons), les femmes de ménage, les caissiers y trouvent leurs comptes.

Le café est un milieu fertile de gain, non seulement pour ceux qui y travaillent, mais aussi pour le "chômage déguisé". Des milliers de mendiants, de cireurs, et de marchands ambulants fréquentent quotidiennement les salles et les terrasses des cafés. Leur présence n'est pas toujours vue avec plaisir. Ils sont souvent chassés de ces lieux.

Les joueurs aux cartes, au tiercé et au loto s'installent souvent dans des cafés populaires. Les jours des grands matchs de foot-ball sont vivement attendus par les cafetiers. C'est une occasion de multiplier les gains. L'engouement des Marocains pour ce sport est sans égal, ce qui permet aux cafés d'accueillir des vagues de téléspectateurs.

Malgré cette importance économique, les cafés représentent un secteur mal exploité et mal-structuré voire négligé par l'Etat. Les travailleurs, dans la plupart des cas, ne jouissent pas d'une couverture sociale et médicale. A l'âge de la retraite, leur pension n'est pas assurée. Souvent, ils sont forcés de travailler une journée de 12 heures, et parfois plus, pour un salaire modique qui ne dépasse guère les 50 dh par jour, tout en comptant les pourboires. "C'est à peine si on arrive à 50 dh par jour et on est toujours fatigué car on termine tard la nuit pour être le lendemain matin pour la reprise", déclare un garçon.

Ce secteur économique important encourage d'autres domaines commerciaux. A citer l'immobilier, les sociétés de bâchage et de mobilier, les supermarchés, etc. L'Etat est censé prendre des mesures urgentes afin de développer ce secteur. L'application de l'assurance maladie obligatoire (A.M.O) initiée par le gouvernement, permettra aux employés des cafés de profiter de la couverture médicale. Des actions comme celle-ci sont appréciables.

Une conception péjorative et populacière est accordée aux cafés par une large partie de la société marocaine. Ils sont considérés comme des lieux vulgaires et malfamés.

"Ce n'est qu'un langage des cafés", "Un peu de respect ! vous n'êtes pas dans un café", "ce sont les gens des cafés qui ont ce genre débile de comportement". Ce sont des formules, entre autres, qui témoignent de la mauvaise réputation des cafés, en les regardant comme des lieux indignes où règne la culture de la "rue". Ces formules ne sont pas totalement vidées de sens. Cette mauvaise réputation est due aux brutalités et aux comportements malsains qui existent dans la majorité des cafés marocains, qu'ils soient dans des milieux marginalisés et pauvres ou dans les milieux riches.

Souvent, ils sont considérés comme des lieux de drogue. La cigarette, le cannabis et autres produits toxiques connaissent une grande consommation au sein des cafés.

25 Juillet 2007

http://fr.allafrica.com/stories/200707260176.html

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